Dans l'approche des textes littéraires, la critique a toujours eu tendance à privilégier l'imaginaire visuel : couleurs, lignes, formes, ombres et lumières... Mais la littérature ne se réduit pas à cette perspective. Poésies, chansons de geste, romans du Moyen Age, outre qu'ils relèvent originairement de l'oreille et de la performance orale plus que de l'oeil et de la lecture, mettent en scène des phénomènes sonores riches et variés : gazouillis des oiseaux, cris des hommes et des animaux, cliquetis des armes, jeux des instruments de musique... Ces événements ne sont pas anecdotiques ou périphériques ; ils forment un réseau, ils constituent un paysage contrasté. D'un genre à l'autre, l'ambiance sonore varie : la noise ou criée épique forme un cadre acoustique bien différent du concert des oiseaux qui ouvre nombre de poésies de troubadours ou trouvères. A l'intérieur d'un même genre, des variations aussi se font jour : certaines chansons de geste sont de véritables symphonies, d'autres jouent sur une ascèse acoustique ; et l'horizon sonore d'un Charles d'Orléans est bien différent de celui d'un François Villon. Le sonore relève donc d'une poétique propre à chaque genre, mais aussi à chaque écrivain et à chaque époque. Il constitue un paysage en évolution et en tension ; c'est cette poétique qu'il convient de mettre au jour au terme d'un parcours non restrictif à travers les littératures latine et surtout vernaculaires du Moyen Age. C'est la partition que dessine chaque texte, le Perceval de Chrétien de Troyes comme la Chanson de Roland, l'Enfer de Dante comme les Canterbury Tales de Chaucer, que nous nous proposons d'explorer et d'interpréter.