Si l'homme ne retient pas les sons dans sa mémoire, ils périssent, car ils ne peuvent être écrits", déplore Isidore de Séville. Par définition, les bruits et les sons s'envolent, et de fait, à première écoute, les sociétés anciennes - le monde d'avant Edison - apparaissent désespérément silencieuses. Comment étudier les bruits, les rumeurs, les clameurs qui animent le monde médiéval ? Peut-on même se représenter ces centaines de cloches qui, dans une ville comme Paris, sonnent à la volée les heures de la journée ? Peut-on imaginer les embarras de rues étroites où se côtoient hommes et bêtes, où hurlent du matin au soir crieurs et colporteurs ? C'est cet ensemble qui constitue un paysage sonore. Depuis les travaux pionniers de R. Murray Schafer et d'Alain Corbin, l'histoire du sensible a suscité un intérêt qui ne s'est jamais démenti, et qui a donné lieu à un grand nombre de travaux pour les XIXe et XXe siècles. Or, le Moyen Age est moins silencieux qu'on pourrait le croire, et une partie au moins des sons quotidiens et familiers se retrouve transcrite dans des chroniques, des chansonniers, des romans, voire dans des actes judiciaires. Il s'agit de les retrouver, de les analyser et de les donner à entendre de nouveau, dans une sorte d'extraordinaire essai d'archéologie sonore. Partageant le même intérêt pour la perception sensible de l'univers médiéval, Laurent Vissière et Laurent Hablot se sont attachés à réunir autour du thème des paysages sonores des historiens, des musicologues et des littéraires dans une perspective résolument interdisciplinaire. Rassemblant leurs savoirs, ces spécialistes du Moyen Age et de la Renaissance nous font entendre ici le bruissement oublié du quotidien des femmes et des hommes de jadis