La Tribune des critiques de périodiques
Cette Tribune se tient généralement chaque troisième mercredi du mois, mais, en ces temps de confinement, nous vous proposons de retrouver et de partager sur cette page les articles qui vous ont intéressé·es.
Et vous, quel article avez-vous envie de présenter ou discuter ?
Faites-nous part de vos choix à mediatheque@cnsmd-lyon.fr !
"Du sens, ou rien...", Filigrane, n. 1 (2005), article proposé par Giovanna
Comment aborder notre rôle de créateur et d’interprète ? Quel devoir avons-nous vis-à-vis de l'oeuvre, de son essence, de son histoire ? Passée la digestion d'un vocabulaire assez pointu (cherchez le sens d’herméneutique avant de le lire ! ), l'article apportera quelques pistes de réflexion à notre questionnement existentiel sur l'utilité, le sens de ce à quoi nous consacrons tout ou partie de notre existence de musiciens.
La recherche du sens est une quête vitale, une quête à mort (et à vie), permanente et universelle. Fardeau ou bénédiction, elle est la source et la conséquence de la création artistique.
La rencontre avec l'art sert cette quête, elle est l'une des expériences les plus propices à la transformation de notre être, à la réinvention de notre rapport au monde, et donc à sa compréhension essentielle. Mais pour réellement s'élever à cette transformation, encore faut-il trouver un équilibre dans le dialogue intemporel de l'art. Car il y a une réelle dualité dans le travail de l'interprète qui se veut tout à la fois analyste et historien spécialiste de l'oeuvre, mais également vecteur de sa propre sensibilité. Tout le travail est là : s'abandonner à cette rencontre avec l'oeuvre sans lui imposer notre compréhension finie mais en recevant d'elle un Soi plus vaste qui sera à même de l'interpréter.
Giovanna, étudiante L3, violon
"Esquisse d'une méthode de folklore musical. (Organisation d'archives)", Revue de musicologie, Tome 12, n. 40 (1931), article proposé par Gustavo
En 1931, Constantin Brăiloiu, une des figures fondatrices de l'ethnomusicologie en France, publie "Esquisse d'une méthode de folklore musical". Avant l'officialisation du terme d'ethnomusicologie qui se fera en 1961 avec l’organisation, sur une proposition de C. Lévi-Strauss, du premier enseignement consacré à l’ethnomusicologie dans le cadre de la VIe section (« sciences sociales ») de l’École Pratique des Hautes Études (voir B. Gérard, Histoire de l'ethnomusicologie en France (1929-1961)), Brăiloiu propose que l'étude du folklore musical ne soit plus considérée comme une branche de la musicologie, mais comme une science autonome en raison de la spécificité de son objet et de ses méthodes.
Le texte de Brăiloiu montre un moment très précis de la connaissance de la musique populaire, où il propose de s'éloigner de l'étude de la musique comme objet fixe (il fustige ainsi le seul attachement à la définition des "styles ruraux authentiques" : "les exemplaires recueillis, analysés, classés par nous - papillons exactement épinglés à leur place théorique dans l'échelle des êtres - ne nous dévoileraient, outre leur réalité matérielle à jamais conservée, aucun secret de leur vie terrestre"), pour le lier avec le processus organique implicite dans l'évolution du monde musical rural. Ce monde est pour lui un laboratoire de modernité et d'antiquité, une sorte de synthèse où est imposé à la tradition l'aspect du monde contemporain. Si la création musicale de l'homme rural est une façon de représenter le monde, la méthode scientifique est le prisme à travers lequel Brăiloiu étudie le monde musical de l'homme rural. Témoin de son époque, il se sert des méthodes provenant de la sociologie et de l'ethnologie, ainsi que d'une documentation spécifique : fiches d'informateurs, entretiens, descriptions des instruments de musique et observations personnelles ; mais c'est surtout pour lui l'utilisation des "machines" qui constitue la principale source de l'objectivité scientifique.
La capacité des "machines" à fixer l'événement musical par le biais du cinématographe, du phonographe ou encore des appareils photographiques, complémentaire à la tradition de fixer les sons de la musique occidentale par l'écriture, met en évidence un fait qui est pour Brăiloiu le problème fondamental : comment étudier la richesse de la tradition orale dans laquelle une unité simple se déploie de façon incessante en produisant une infinité de variations ?
Gustavo, étudiant L3, luth
« “Des légères arabesques et des pieds malencontreux” : Debussy, Nijinsky et la chorégraphie de Jeux », Revue de musicologie, tome 102 (2016), article proposé par Nathan
« Une dissonance atroce, sans résolution possible » : c’est par ces mots que Claude Debussy qualifie la chorégraphie de Ninjinski pour leur ballet Jeux, représenté en 1913. Pourquoi et comment la collaboration de ces deux génies, qui marquèrent durablement l’histoire de leurs arts respectifs au xxe siècle, a-t-elle pu si mal aboutir ? Telle est la question à laquelle se propose de répondre cet article.
Non content de s’attaquer un épineux problème jusqu’ici délaissé par les musicologues, Kristof Boucquet offre de découvrir les arcanes de la composition de Jeux et éclaire les relations entre les deux créateurs. Plus encore, il documente précisément les rapports quasi-symbiotiques entre musique, danse et argument littéraire, aspect trop souvent négligé par les analystes, qui permet de porter un regard neuf sur cette œuvre majeure de la modernité musicale et chorégraphique."On the Documentation of Electronic Music", Computer Music Journal, vol. 42/4, article proposé par Jacopo
Dans cet âge numérique, on ne peut plus tout avoir sur un support physique. C'est l'ère des "clouds" et prendre conscience de cette dématérialisation signifie poser la question de la préservation des œuvres. L'absence de papier et de partition conventionnelle oblige les compositeurs·trices à chercher plus loin, la documentation devient hétérogène, tout comme les pièces elles-mêmes. L'écriture se fait danse, dessins, diagrammes, tableaux, vidéos, images.
Cet article cherche à décrire les sources de la documentation des pièces électroniques et à proposer un modèle afin d'œuvrer à leur conservation. En effet, la musique d'aujourd'hui repousse les limites : elle oblige à se repositionner face à un monde où le tissu technologique devient plus riche, plus complexe. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre tradition et innovation, entre standardisation et subjectivité.
En tant que compositeur·trice, sommes-nous conscient·es que documenter ou non nos pièces doit relever d'un choix ?
Jacopo, étudiant M1, composition contemporaine